Peut-on concilier la réalité virtuelle et l’éthique ?
Regard et impressions de Larissa Christoforo sur l’article écrit par les philosophes Michael Madary et Thomas K. Metzinger, dans cet article de 2016.
L’illusion induite par l’incarnation dans un corps virtuel (embodiment) et le brouillage de frontières entre la réalité et la réalité virtuelle, augmentée ou de substitution, sont au centre des préoccupations des chercheurs.
À la veille de la commercialisation des casques de réalité virtuelle il y a 3 ans, on remarque déjà des changements (involontaires) de comportement des individus — mais aussi des jugements de valeurs — suite à des expériences immersives dans un environnement virtuel. On souligne notamment le risque d’un détachement de l’environnement physique et la perturbation de notre rapport au monde objectif. Des expérimentations menées dans le domaine de la psychologie traditionnelle avaient déjà indiqué ce phénomène : grâce à la plasticité de notre cerveau, notre conduite peut être constamment refaçonnée selon le contexte. Mais, plus encore que d’autres médias, la RV apporte de nouveaux risques, puisque l’environnement virtuel peut être complètement déterminé par ses créateurs. Ce contrôle pourrait engendrer de nouvelles formes de manipulation — surtout lorsqu’il servirait à des intérêts commerciaux, politiques ou religieux — et avoir un impact, qui perdure au-delà de l’expérience d’immersion virtuelle, sur le sujet. La discussion s’étoffe lorsqu’on évoque les conséquences encore méconnues liées à l’empreinte kinésique (la manière dont notre corps bouge et qui peut renseigner sur notre personnalité et la manière dont nous percevons notre structure corporelle, nos empreintes digitales, notre personnalité et la manière dont on perçoit notre structure corporelle, etc). À la jonction de la RV et d’Internet, ces données sont désormais collectées et peuvent représenter une menace à la vie privée.
Ainsi, si les nouvelles technologies favorisent des actions potentielles — et se souciant à la fois du maintien de la liberté et de l’autonomie des individus ainsi que de l’impossibilité de policier leur juste usage –, il est important de réfléchir aux dommages et effets adverses qu’elles peuvent avoir sur la société en général. À partir d’une liste non-exhaustive répertoriant les risques et dangers sur le sujet, Madary et Metzinger offrent quelques recommandations afin d’anticiper ces conséquences problématiques.
Trois ans plus tard, nous pouvons nous demander: les enjeux éthiques restent-ils les mêmes? Comment réfléchir sur ces enjeux compte tenu de la vitesse de l’évolution des technologies et des transformations dans les interactions sociales ?